Confrécourt, le mémorial des poilus - Confrécourt, les catacombes des poilus - la guerre souterraine, l'autel de Chapeaumont - French WWI artworks preserved in caves -

 

Confrécourt, le mémorial des poilus

Le Figaro, novembre 2002    

Pendant quatre ans, enterrés dans des carrières sous le front, les soldats de la Grande Guerre se sont faits sculpteurs pour que l’Histoire garde trace de leurs souffrances.

L’auteur de « la Chambre des officiers » nous fait découvrir ces chefs-d’œuvre ignorés.

Par Marc Dugain. Photos Thomas Goisque

Dans une galerie à moitié éboulée, Marc Dugain découvre un emblème du 4° régiment de génie, arme où servit son grand-père.

Au fond de la galerie, un escalier creusé débouche en première ligne. Dans cette chapelle sculptée par leurs soins, les soldats entendaient la messe avant de monter au front. Ci-dessus, l’office de Noël célébré, en pleine guerre, par le père Doncoeur, fameux aumônier militaire.

L’homme qui nous reçoit à la ferme de Confrécourt dans l’Aisne, n’est ni écrivain, ni historien de la Grande Guerre, ni collectionneur de reliques macabres. La guerre de 1914-1918 n’est pour lui ni un sujet ni un objet elle l’habite simplement jusqu’à la hantise. Comme si cette tragédie de l’humanité ne devait jamais le laisser en paix, Jean-Luc Pamart cultive presque 500 hectares de betteraves à sucre et de pommes de terre qui recouvrent une partie de la ligne de front, là où Français et Allemands vinrent s’enterrer dès la mi-septembre 1914. Deux mois plus tard, après quatre mois de guerre, les Français déploraient 454 000 morts. En marchant sur ces corps mis bout à bout, politiciens et généraux de l’état-major auraient pu rallier Berlin depuis Paris sans crotter leurs bottes et croiser leurs homologues allemands marchant dans l’autre sens sur la dépouille des leurs. Nombreux sont ceux qui ressurgissent encore quand le président de l’association Soissonnais 14-18 remue cette terre qui quatre-vingt-huit ans après, rejette encore squelettes, mines et obus.

Il ne parvient plus à dormir dans cette ferme de Confrécourt, reconstruite en 1925, qui trône sur un plateau calcaire comme une croix sur un immense cimetière. Nous sommes à Fontenoy, dans l’Aisne, près de Soissons, tout près de Villers-Cotterêts, le pays d’Alexandre Dumas. Celui qui fit de la guerre un combat de gentilshommes était certainement loin d’imaginer qu’à peine cinquante ans plus tard on s’en irait mourir là, par centaines de milliers, pour finir dans des charniers, car la place manquait pour faire des tombes.

Guidé par le souvenir et l’effroi, Jean-Luc Pamart s’active à faire son devoir de mémoire et de conservation. Par l’entretien de carrières de pierre, dont certaines remontent au XIIIe siècle. C’est là, sous les tranchées, dans une température constante de 8°C, que les poilus venaient certains pour dormir, d’autre pour s’y faire soigner, d’autres encore pour y mourir dans l’attente d’une sépulture.
 
Des cathédrales enterrées
 
En haut, dans la tranchée, on vit dans le froid jusqu’à -15°C, les pieds dans la boue jusqu’à mi- mollet quand la glace n’enserre pas les bandes molletières, expression du génie français qui culminera, une vingtaine d’année plus tard, avec la ligne Maginot. Et l’lorsqu’on retrouve la carrière après trois jours dans la tranchée, avec un peu de chance, on se déshabille et on se lave. Les vareuses tiennent debout toutes seules. L’une d’entre elles sera pesée après plusieurs mois. Le poilu portait 28 kilos de boue et de poussière. On dort dans la paille. Une denrée rare qu’on ne change pour ainsi dire jamais et qui devient, à la longue, plus confortable pour la vermine que pour le soldat. En haut, l’ennemi, c’est l’Allemand. En bas, ce sont les poux, les puces et les rats qui se faufilent entre les corps des soldats épuisés. C’est là aussi qu’on trouve un peu de temps pour soi, pour jouer aux cartes, pour écrire à la famille.

Il faut marcher un peu, s’enfoncer parfois profondément dans des forêts où la nature, hachée par les bombardements, a repris ses droits au milieu d’arbres centenaires et miraculés. Bien cachées dans ces bois épais où l’on saignait le voyageur au Moyen-Âge, les carrières apparaissent comme autant de lieux secrets et enfouis dans la paix des profondeurs. La paille n’y est plus, ni son cortège de parasites dévastateurs. Ce qui reste est d’autant plus saisissant. La guerre est le désespoir de l’humanité. Dans ces cathédrales enterrées, les poilus semblent s’être assigné la tâche de rendre à cette humanité son meilleur visage, le premier dont on ait les traces dans les grottes préhistoriques, celui d’un animal paisible qui se différencie des autres par son souci de l’esthétisme et par sa conscience religieuse. Alors qu’en haut on rase sans discernement, dans les carrières on sculpte dans les murs. Des plaques ouvragées en l’honneur du régiment, bien sûr, mais aussi des têtes magnifiques de poilus et de femmes, ces femmes disparues de la vie de ceux qui font cette guerre et qui tentent, en puisant dans leur imagination, d’en restituer les contours apaisants.

Une tête m’interpelle plus que toute autre. Celle d’un poilu casqué. Le temps et l’érosion lui ont fait un trou au milieu du visage ; ses traits déchus sont ceux de mon grand-père, défiguré 1914, non loin de là, au chemin des Dames, et non pas dans la Meuse, comme mon roman, la Chambre des officiers, l’y avait amené. Un magnifique bas-relief, qui représente une tête de cheval célèbre, un animal qui est de toutes les peines et qui paye un lourd tribut à la guerre. Des chapelles souterraines en nombre, creusées dans la pierre, rappellera qu’en ces temps où l’homme n’est plus digne de foi ouvriers et paysans de la République laïque se tournent vigoureusement vers Dieu comme antidote

DANS L’HORREUR MAINTENIR LA CIVILISATION

et vers cet absurde qui en conduit un sur quatre à une mort certaine. À l’entrée d’une carrière qui servait de poste de commandement à l’artillerie, on a construit un mess dans les règles de l’art pour montrer que l’on conserve l’amour des bâtiments.

De retour en pleine lumière, nous achevons notre périple au hameau de Vingré. Des lettres exposées sur les murs des maisons et un monument nous rappellent qu’à cet endroit précis six hommes, pris au hasard parmi vingt-quatre d’une escouade, furent fusillés pour l’exemple le 4 décembre 1914, après un conseil de guerre arrangé par un haut commandement… Pour faire comprendre à ceux qui auraient eu l’idée de se soustraire aux balles allemandes, de moins en moins aléatoires, que celles du peloton d’exécution français étaient infaillibles. Ce drame a inspiré le scénario du film les Sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick, tournée n 1957, l’année de ma naissance, et que je n’ai pu voir qu’à 20 ans passés parce que la censure s’était emparée de cet épisode honteux.

Sur le chemin du retour, Jean-Luc Pamart s’étonne qu’à l’instar des Anglais, la France n’institue pas au moins une minute de silence tous les ans à la mémoire de toutes ces souffrances. Une chose est certaine : lui n’est pas près d’oublier ce que l’homme est capable de se faire à lui-même pour des motifs mille fois expliqués, mais toujours aussi obscurs.
                                                                                                                                             Marc Dugain

 
Plusieurs bas-reliefs célèbrent la femme aimée et lointaine. Ici, un profil de Marianne.

Dans une carrière qui a servi d’infirmerie, un cavalier a tenu à témoigner sa reconnaissance à sa monture.

L’usure du temps ou le vandalisme ont fini par faire ressembler ces soldats aux célèbres gueules cassées.

Un passé qui ne passe pas

L’association Soissonnais 14-18 s’occupe de l’inventaire et de l’entretien des champs de bataille de la région de Soisson et de Noyon : sauvegarde des sculptures dans les 400 carrières ; entretien des monuments, tombes et tranchées, etc.. Pour préserver la mémoire de la Grande Guerre, l’association propose également des visites de carrières, chaque dimanche de mars à septembre (03.23.74.25.98) ainsi que des cérémonies et l’accueil des familles de poilus. Elle rassemble aussi de la documentation et des archives, et organise des expositions comme celle des 9, 10 et 11 novembre à Ambleny (Aisne), consacrée au « passage de l’Aisne », autour du roman éponyme d’Emile Clermont.

Contact : Jean-Luc Pamart (03.23.74.25.90)

 

Confrécourt, les catacombes des poilus

Novembre 2008

Non loin de Rethondes, où l’armistice de 1918 sera célébré ce 11 novembre avec une particulière ferveur, le plateau de Contrécourt (Aisne) n’oublie pas la longue passion de ses poilus. Un agriculteur picard, Jean-Luc Pamart, s’est fait le gardien de leur mémoire. Nous l’avons suivi sur- et sous- ses terres nourries de fer et de sang.

IL YA 90 ANS, L’ARMISTICE DE 14-18

LES CATACOMBES DES POILUS

Dans les carrières de Confrécourt, situées sous ses champs, Jean-Luc Pamart, un agriculteur passionné d’Histoire, explore le Lascaux des poilus. Sur les murs de ces galeries qui servirent de refuges de fortune aux fantassins durant la Grande Guerre, des sculptures et des graffitis émouvants.

« Ils sont là sous vos pieds, nos soldats ! Sous vos pieds… », martèle l’homme au Barbour couleur labour, accroupi, en frappant de la main les feuilles cuivrées qui jonchent le sol d’automne. « Couchez-vous, vous serez à la hauteur de leur casque. » A défaut de s’allonger dans la boue du bosquet, on s’incline devant le Christ brisé. Ce calvaire géant, couronné de hêtres et de peupliers sauvages, est notre lieu de rendez-vous. Il se dresse, telle la lame d’un glaive à la poignée rompue, au cœur de l’immense plateau de Confrécourt (Aisne). Dénudé. Son Christ, également nu, gît, bras en croix, planté dans le sol. Comme si Dieu voulait rejoindre les dépouilles enfouies des milliers de soldats qui y reposent encore.

Ce monument aux morts est situé précisément sur la ligne de front de la Grande Guerre. À deux pas de la nouvelle ferme de Confrécourt où Jean-Luc Pamart, 57 ans, a établi son quartier général.

 

 

Encart / Doncoeur, ce héros

Le prêtre qui fonda la branche scoute des routiers, Paul Doncoeur (1880-1961), fut, comme nombre d’aumôniers militaires, un héros de la Grande Guerre.

Paul Doncoeur est ordonné prêtre en 1912, et il a 34 ans à la déclaration de guerre. Aumônier au 115e RI, il participe à la bataille de la Marne ainsi qu’à la poursuite des troupes allemandes sur l’Aisne.

Le 16 septembre 1914, à la ferme de Mériquin, près de Cuts, le régiment devant évacuer sa position, il reste avec plus de cent blessés. Son courage et son attitude empêcheront un probable massacre.

Après une brève captivité, il participera à la bataille de l’Aisne, de Champagne et de Verdun comme aumônier de la 28e brigade. Grièvement blessé dans la Somme, une guérison miraculeuse à Lourdes lui permet de rejoindre ses régiments pour les combats de Reims, en Flandres, et de la victoire finale. Son courage et son dévouement inlassable lui vaudront une renommée immense, sept citations, la croix de guerre et la légion d’Honneur.

« Se souvenir, ce n’est pas instaurer un culte anonyme et sans obligations, quelque beauté qu’en ait le symbole, disait celui qui se battra pour assurer une sépulture chrétienne aux soldats morts au champ d’honneur. C’est épouser étroitement la pensée des morts pour les faire survivre en nous. C’est réaliser ce qu’ils auraient aimé ».

En juin 1960, un an avant sa mort, il reviendra dire une ultime messe dans sa creute de Confrécourt, avec les survivants du 35e RI.

(A lire : Paul Doncoeur, aumônier militaire, par Pierre Mayoux, Presses d’Ile-de-France/Ed. de la Loupe)

Ce monument aux morts est situé précisément sur la ligne de front de la Grande Guerre. À deux pas de la nouvelle ferme de Confrécourt où Jean-Luc Pamart, 57 ans, a établi son quartier général.

Cet agriculteur historien cultive deux cent cinquante des mille hectares de ce plateau du Soissonnais que les troupes françaises vont prendre d’assaut, le 13 septembre 1914, après la victoire de la Marne. En face, les Allemands qui tiennent les « hauts ». Les poilus n’atteindront le calvaire de Confrécourt qu’après dix jours de combats terrifiants, au prix de huit mille hommes. « Français et Allemands, ne pouvant pas percer, vont s’enterrer. Et se faire face ici, durant quatre ans, séparés seulement par une centaine de mètres, explique celui qu’on surnomme le « paysan des poilus » (1). Au milieu, il y a la Croix. Vingt mille soldats français trouveront ici une fin brutale, tombés sous les balles ennemies, gazés, victimes du gel, étouffés par une chape de boue…. La défense héroïque du plateau en juin 1918 stoppera l’offensive allemande. »

Pamart trompe son monde. Avec ses boucles poivre et sel, ses lunettes Cerruti branchées – « C’est ma femme qui les choisit », s’excuse-t-il -, son pull camionneur marron, et sa voix perchée légèrement éraillée, on pourrait le prendre pour un bobo en train de commenter une expo d’art contemporain dans une galerie parisienne.

La vie de Jean-Luc Pamart (page de gauche) bascule sans arrêt de la terre qu’il cultive à la guerre qui l’a labourée Il n’y a pas un jour sans qu’elle laisse affleurer  ses plaies Ci-dessus : grenades exhumés par des engins agricoles.

« Ce plateau est un charnier. Je laboure sur des morts. Nous en exhumons quatre ou cinq par an. »

C’est tout le contraire : un paysan de province qui ne peut s’éloigner longtemps de cette glèbe que ses ancêtres cultivaient déjà au XVIe siècle, que son père et son grand-père ont travaillée sans trêve. Pour toute sculpture moderne, ce lettré aux godillots crottés exhibe des pièces étranges, de quatre-vingt-dix ans d’âge, que vomissent les entrailles de ses champs : fusils tordus, grenades rouillées, obus rongés quoique toujours vivaces, douilles qu’il vous glisse dans la main comme des reliques. Tant de reliques que ses sept enfants ont aménagé un « musée du souvenir » dans la ferme.

 

« Souvent, je crois entendre gémir nos soldats ».

« Ma vie bascule sans arrêt de la terre que je cultive à la guerre qui l’a labourée : pas un jour sans qu’elle laisse affleurer ses plaies », dit-il en exhibant une queue-de-cochon, barre de fer vrillée que les poilus utilisaient pour soutenir les barbelés, qui vient de crever le pneu d’un tracteur, immobilisant la remorque à betteraves. « La betterave, la betterave ! » s’écrie-t-il, pointant des deux mains les milliers de houppettes vertes qui s’étendant à perte de vue et qu’il s’apprête à récolter (à croire en cet instant que cet hyperactif, hybride de Jean-Jacques Annaud et de Woody Allen, tourne un sport publicitaire pour l’éthanol picard). « La betterave, c’est le salut du poilu avant qu’il ne puisse s’enterrer ; le seul écran qui puisse le cacher aux yeux de l’ennemi – il est tellement visible avec son pantalon rouge coquelicot ! C’est pour moi une vision horrible que d’imaginer ces hommes mutilés, rampant sur mes champs sous la mitraille, à la recherche d’une feuille verte pour se cacher… »

 

Pamart dort peu. Il fuit les cauchemars – « Souvent, je crois les entendre gémir, nos soldats » - en se plongeant dans ses « chouchous » : Erich Maria Remarque, Roland Dorgelès, l’historien Jean-Baptiste Duroselle, le romancier Marc Dugain, et tout ce qui tombe sous la main touchant ce conflit. « Cela fait vingt-cinq ans que je ne « bouffe » que du 14 ! Et que je n’arrête pas de faire la plonge à la maison car mes enfants ont vite compris le truc. Il suffit qu’ils lancent au début du repas :  « Le premier qui parle de la Grande Guerre fait la vaisselle », et c’est moi qui m’y colle… » Avec lui, on passe du rire aux larmes en moins de temps qu’il n’en faut pour sortir son mouchoir.

« Ce plateau est un charnier, poursuit-il avec une nouvelle gravité. Je laboure sur des morts. Nous en exhumons quatre ou cinq par an. » Des ossements, recrachés par la terre ou les machines agricoles, pieusement et méticuleusement recueillis par les membres de son association (2), puis inhumés avec les honneurs. Les poilus étaient des enterrés vivants. « Pour les survivants, ce fut quatre ans dans la terre et sous la terre. L’un deux m’a dit un jour : « C’est étrange, je ne reconnais rien ». Or le décor n’a pas changé depuis 1914. Mais les soldats le voyaient au ras du sol – ce qui change la perspective. »

 

À bord de son pick-up Toyota, nous fendons l’aire dénudée du plateau vers la cote 150, cette crête tant désirée par les états-majors, sur laquelle se briseront des milliers de vagues d’hommes. Difficile d’imaginer que cette terre grasse, brune et dorée sous le soleil automnal, a été zébrée de tranchées, trouée d’obus, balafrée de barbelés, piquetés de pieux, jonchée de cadavres, rougie de sang. « Bref résumé chiffré de 14-18, lâche Pamart, sans même regarder la piste rectiligne qu’il connaît par cœur : 1 500 jours de guerre, et 850 morts par jour. Un mort sur trois le fut en 1914. 250 000 femmes n’ont jamais retrouvé la dépouille de leur enfant ou de leur mari. »

 

 

Encart / La tranchée, lieu de prière

Une exhortation à prier, par le Père Doncoeur, à ses frères soldats.

« Pries-tu ?... Du fond du cœur ? Comme il le faut dans les terribles heures que nous vivons !

Avoue que tu passes facilement un jour sans prier, que souvent tu pries sans penser à rien, que souvent tu pries comme si cela t’était bien égal. Mais prie donc ! 

Prie le matin en sortant de ta paille. Tu n’y penses pas souvent ou tu te dis que tu n’en as pas le temps. Fais un bon signe de croix et dis « Mon Dieu, je vous offre ma journée et je me confie à votre bonté ». Et cours à la corvée qui t’appelle.

Prie le soir quand tu tombes éreinté dans ton abri sans te déséquiper. Tu n’en peux plus. Et dis-le donc : « Mon Dieu, je n’en puis plus, je vous offre mon travail et je m’endors dans vos bras ». Et dors bien vite.

Prie quand tu es de garde la nuit, que tu t’ennuies parce que c’est long, et que le cafard te prend, et que la peur ou le froid te gèlent. Prends donc ton chapelet et dis-le dix fois jusqu’à ce qu’il ne tourne plus ; celui-ci pour ta femme et tes petits, celui-ci pour la France, celui-ci pour que la guerre finisse et celui-ci pour tes camarades tombés l’autre jour…

Et puis quand tu le peux, au cantonnement, tranquillement, monte à la vieille église sombre, va près de l’autel, et la tête dans tes mains, oublie tout le monde et prie avec ferveur, dans un recueillement intense. Dis à Dieu tes misères, tes tristesses, ton amour, tes désirs, tes besoins.

Dis-lui que tu t’offres à lui. Demande-lui qu’il vive en toi, qu’il te purifie              ; qu’il te fortifie, qu’il te change, qu’il fasse de toi un chrétien solide, et qu’il te donne le bonheur de convertir ton camarade qui n’est pas venu mais qui viendra peut-être. Et demande-lui qu’il sauve le pays et ceci, et cela…

Il y a tant à demander !.. et tu ne pries pas ?.... Mais prie donc ! »

« Bref résumé chiffré de 14-18, lâche Pamart, sans même regarder la piste rectiligne qu’il connaît par cœur : 1 500 jours de guerre, et 850 morts par jour. Un mort sur trois le fut en 1914. 250 000 femmes n’ont jamais retrouvé la dépouille de leur enfant ou de leur mari. »Chaque semaine, du haut de son tracteur, il aperçoit des voitures, aux plaques minéralogiques de toute la France, se garer en bordure du chemin. « Ce sont les petits-enfants qui, vieillissant, cherchent des traces de leur aïeul. « Mon grand-père est mort à Confrécourt, me lancent-ils, mais on n’a jamais retrouvé son corps. » Je descends de ma machine, je les salue, je leur montre ces champs plus de mille fois fauchés et je leur dis : « Il est très probable qu’il repose ici. Recueillons-nous ».

Tout à l’heure, en fin d’après-midi, au cimetière d’Amblény où 12 000 tombes s’alignent en contrebas de la nationale 31 qui relie Soissons à Compiègne, nous découvrirons des dizaines de croix, privées de nom, portant comme seule mention : « Inconnu, mort pour la France » (dont une pour un aumônier  anonyme). « Parmi tous les poilus tués durant la guerre, seule la moitié des corps a pu être identifiée, souligne Pamart. Souvent, je viens dans ce cimetière avec des classes de première ou de terminale. Je leur dis de marcher jusqu’au bout de cet espace, en silence, puis je les rassemble : « Vous entendez le tocsin qui sonne ; vous avez deux heures pour rejoindre la mairie ; puis, vous partez immédiatement pour le front. Parmi vous, un sur quatre ne reviendra pas ; et un sur quatre sera handicapé pour la vie. Les 12 000 tombes, sous vos yeux représentent les pertes de treize jours de guerre. Or il y en a eu 1 500 ! Et puis, n’oubliez jamais que ceux qui sont enterrés sous vos pieds sont des garçons de votre âge : 18, 20 ans… Le plus jeune a même 15 ans : il a menti pour précéder l’appel. »

 

L’hommage aux « fusillés pour l’exemple » de Vingré

 

Par une route sinueuse et bucolique, nous descendons à Vingré, niché dans le vallon. L’un des villages les plus célèbres de France, qui se passerait volontiers de sa réputation : non un village fleuri mais un village honni. Vingré porte l’un des stigmates les plus douloureux de ce conflit : l’exécution de six « fusillés pour l’exemple ». Leur rendre justice est l’une des obsessions de Jean-Luc Pamart. « Ces six fantassins, pris au hasard dans un groupe de vingt-quatre étaient d’excellents soldats. Leur seul péché : avoir obéi à leur lieutenant et reculé de quelques mètres, dans le tumulte d’une attaque surprise. Ce n’était ni des lâches ni des mutins. Certains d’entre eux, faits prisonniers, venaient juste de s’évader ! » Quatre-vingt-cinq ans plus tard, en 1999, cet homme libre qui toujours chérira la terre et la vérité, organisera, en présence des familles et des descendants des « martyrs », une cérémonie de réhabilitation.

 

Juste devant l’entrée de la « carrière du 1er Zouaves », sous le plateau de Confrécourt, a été sculpté le premier monument aux morts de la guerre de 14. Des grilles ont été installées par l’association Soissonnais 14-18 pour empêcher les pillages et les dégradations.

Quatre-vingt-cinq ans plus tard, en 1999, cet homme libre qui toujours chérira la terre et la vérité, organisera, en présence des familles et des descendants des « martyrs », une cérémonie de réhabilitation.

Plus : il a fait graver sur les pierres claires des façades du village, une photo de chacun des fusillés et leur dernière lettre. Chacune livre le cœur de son auteur, son désarroi, sa stupéfaction, son cri, son amour. Il faut toutes les lire ; elles arrachent les larmes. Comme, par exemple, celle de Jean Blanchard : « Ma chère bien-aimée, (…) je n’ai rien fait de plus que les autres et je ne crois pas, sur ma conscience, avoir mérité cette punition (…). Je te rends la parole que tu m’as donnée de m’aimer toujours et de n’aimer que moi, tu es jeune encore, reforme-toi une autre famille. (…) Au revoir là-haut, ma chère épouse ».

Grand-père Pamart était un survivant de la Grande Guerre ; le petit Jean-Luc, curieux de tout, l’assaillait de questions. « Cette mémoire de 14-18 se transmet de génération en génération dans ma famille », reconnaît ce père de sept enfants dont la fille aînée, historienne, a consacré sa thèse aux veuves des fusillés de Vingré, et dont l’un des fils vient d’être adoubé officier. Ce qui n’empêche pas Jean-Luc d’être d’une sévérité cinglante lorsqu’il évoque « l’imprévoyance des généraux qui ont fauché la France paysanne en deux mois : août et septembre 1914 représentent à eux seuls un sixième des pertes françaises ! ». Très en colère aussi contre « les historiens au cœur sec » ou « les administrateurs désinvoltes qui se désintéressent de notre patrimoine historique ». En rage lorsqu’il compare le sort réservé aux dépouilles de nos soldats à celui que leur offrent les Allemands, les Anglais, les Canadiens, les Américains, main sur le cœur, convoi officiel, sépulture en grande pompe. « Il y a quelques années, nous avions exhumé douze corps, et patiemment reconstitué les squelettes sur des suaires ; deux « charlots » des services officiels sont arrivés en Fiat Uno, les ont ramassés dans des sacs-poubelle comme des détritus, en vrac, et les ont balancés dans le coffre. Et comme celui-ci ne voulait pas fermer, ils ont tassé à coups de pied ! J’ai failli faire deux victimes de plus ! » Sans parler des pilleurs que Pamart pendrait volontiers haut et court.

Les creutes, abris inespérés pour les soldats

Un petit creux avant le déjeuner ? Une creute fera l’affaire. Ce plateau recto a un verso : il est souterrain. Confrécourt est un gruyère plein de creutes. Le Soissonnais compte en effet quatre cents carrières.

La "chapelle du Père Doncoeur" où célébrait l'aumonier militaire.

Chaque village, chaque vallée, chaque paysan possède son trou dans la roche. Certaines ouvrent sur un dédale de galeries aux ramifications très étendues. Jean-Luc, enfant, y jouait avec ses frères, avant d’en devenir le gardien jaloux (les creutes de Confrécourt sont closes par des grilles pour protéger ses vestiges des pillards). Pour les Français comme pour les Allemands, elles furent des aubaines contre l’hiver, des abris inespérés où se délasser. « Ils vont transformer ces souterrains en casernements, dit Pamart qui conduit son 4x4 avec le dextérité d’un Loeb sur des chemins forestiers détrempés. Ils vont y installer des postes de secours, des liaisons téléphoniques, des cuisines, des lieux de culte… Ils vont y jouer aux cartes, écrire à leur femme, lire leur courrier, dormir un peu. Prier, aussi. » Et sculpter. Le calcaire spongieux offre une surface tendre. Véritables œuvres d’art ou tags sommaires, sculptures, bas-reliefs, dessins ou simples inscriptions, ornent l’entrelacs des grottes, à dix mètres sous nos pieds.

Quelques pas dans le « bois des aviateurs » dont les ramures encore pépiantes font oublier la violence du relief. Partout des trous. De ce chaos tellurique, apaisé par une fourrure de feuilles rousses, surgit un Angkor picard : des casemates de calcaire, ornées de blasons sculptés.


Encart / « Le Ciel est là, devant lui »

Dans ses Impressions de guerre, le Père Doncoeur raconte la mort d’un caporal du 115e RI devant la ferme de Mériquin, le 17 septembre 1914.

« Je trouve un corps étendu, un caporal du 115 ; il a la tête toute noire de sang. Il ne voit rien. Je m’agenouille : « Et bien, mon petit, nous voilà. – Qui ? – L’aumônier du 115, mon petit. – Ah, Monsieur l’aumônier, quelle joie ! C’est vous ? » Il me prend les mains et doucement, d’une voix qui coule entre ses lèvres immobiles : « Oh ! que je suis heureux ! Enfin ! Toute la nuit j’ai dit mon chapelet pour que vous veniez ! Oh, comme je suis heureux ! » Je l’embrasse : « Eh bien, mon petit, la Sainte Vierge m’amène ». Je l’absous. Dès lors, il ne cesse de dire : « Je suis au Paradis ! Je suis si bien ici ! »

Pas une plainte, pas un mot de douleur, toujours le remerciement et la joie comme d’une extase. Il ne voit plus rien de la Terre et c’est toujours la nuit pour ce pauvre petit sans yeux. Mais le Ciel est là, devant lui. »


La même chapelle ("chapelle du Père Doncoeur") de nos jours. Une vingtaine de messes y sont célébrées chaque année (sur la droite, on peut voir l'escalier qui menait au champ de bataille)
 

Dans un bosquet, au cœur du plateau de Confrécourt, ce Christ brisé fut érigé en 1929 par le marquis de Croix, à la place du calvaire détruit lors des terribles combats, au milieu de la ligne de front.


De ce chaos tellurique, apaisé par une fourrure de feuilles rousses, surgit un Angkor picard : des casemates de calcaire, ornées de blasons sculptés. L’une d’elles arbore un Z élégant : pas la planque de Zorro, mais l’état-major des Zouaves. Elles ressemblent à des visages blanchâtres qui émergent du sol, coiffés d’un tertre de terre brune où se plantent des hêtres immenses dont les racines les enserrent. Sous les tentacules verdies de mousse, des gueules d’ombre ouvrent vers des boyaux humides. Là, des milliers d’hommes, sans se déchausser, volaient à la mort quelques heures de répit, au milieu de la vermine, des poux, des rats.

Dans la nuit de ces labyrinthes, les craquements et les pépiements de la forêt d’éteignent. Tout comme le téléphone portable de Jean-Luc Pamart, pris entre le quadruple feu des salariés de son exploitation, les bénévoles de son association, les demandes de visites, le suivi de ses enfants. « Ces moments de pur silence que nous goûtons n’ont jamais existé sur le front avant le 11 novembre 1918, cette onzième heure du onzième jour du onzième mois, murmure Jean-Luc, torche à la main. Les carrières étaient pleines de l’écho assourdissant de l’artillerie, du hennissement des chevaux, de la plainte des blessés, du brouhaha des conversations. Et parfois aussi, du murmure des prières. » A côté d’un Jésus gravé comme un cri dans la pierre, un poilu a sculpté cette trinité essentielle pour le soldat : « Le jus, le pinard, le rata ».

 

Quatre-vingt-dix ans après, des lieux sacrés qui revivent.

 

Nous passerons l’après-midi dans la nuit fraîche des creutes, sous le champ de bataille, à arpenter vingt mille lieues sous les terres. A admirer, gorge nouée, ce Lascaux des poilus. À nous recueillir devant des autels où fut célébré, par des aumôniers héroïques dont beaucoup étaient des saint – les plus connus furent Daniel Brottier et Paul Doncoeur -, le sacrifice pour les sacrifiés. « Les œuvres qu’ils nous ont transmises possèdent un étrange magnétisme, murmure l’Indiana Jones de Confrécrout, sa lampe de poche vrillée sur un bas-relief représentant un poilu casqué en train de prier avec une bouleversante piété. « S’adonner à la sculpture dans l’enfer de la guerre, n’est-ce pas un profond signe d’humanité ? »

Une dernière creute avant la nuit. Le soleil d’octobre rase le plateau, « hausse zéro » comme les mitrailleuses du lieutenant Nivelle qui sauvera ici l’armée française, le 20 septembre 1914, en hachant une percée allemande qui aurait dû être fatale. Pamart ouvre une nouvelle grille en entonnant le « Kyrie des gueux ». La fraîcheur nous enveloppe. Au fond du long boyau, la chapelle du Père Doncoeur, aumônier militaire de la 28e brigade. Celle-ci est reconnaissable à l’immense soleil rouge qui se lève derrière la croix, au-dessus de l’autel, et à l’inscription gravée dans la roche : « Dieu protège la France ». Tout contre à droite, un escalier de vingt-huit mètres permettait aux soldats d’accéder directement au champ de bataille. « Avant de gravir ces marches, combien de poilus ont cherché protection et espérance devant la chapelle ? murmure mon guide. Combien, en redescendant ces mêmes marches, ont rendu grâce ? Ces lieux sacrés, nous avons essayé de les  faire revire à la mémoire – et pour le salut – de tous ces morts ».

Dans ces chapelles souterraines, une vingtaine de messes sont célébrées chaque année par des prêtres amis et voisins, les Serviteurs de Jésus et de Marie d’Ourscamp, ou les Frères de Saint-Jean, du prieuré d’Attichy. Chaque vendredi saint, « on y enterre Jésus » : le trou d’une creute sert de reposoir pendant que les fidèles veillent, dans la nuit glacée du tombeau, devant l’un de ces autels-catacombes où une statue de la Vierge est éclairée de quelques cierges. Marie, au pied de la croix, dans l’espérance dénudée.

Mais où est le soleil de la Résurrection et la lumière de Pâques dans cette boucherie absurde ? « Incompréhensible », c’est le mot qu’emploie Duroselle pour consacrer la défaite de la raison devant tant de bestialité et de violence. » Pamart ne cache pas qu’à certaines heures, sa foi vacille : « La mémoire de ce conflit a un combat spirituel, reconnaît-il. Un combat pour l’espérance, devant tant d’absurdité, tant d’injustice, tant de mal…Mais, paradoxalement, l’Histoire la nourrit aussi, car cette tragédie offre une sublimation inouïe.


Encart / Granier, le poète oublié

Dans la alignée de Guillaume Apollinaire, Albert-Paul Granier (1888-1917) est le grand poète oublié de la guerre de 14-18.

Albert-Paul Granier, artilleur, fut abattu alors qu’il effectuait un vol d’observation. Les Editions des Equateurs viennent de lui rendre hommage en publiant son unique recueil de poésie tiré à compte d’auteur en 1917, quelques semaines avant sa mort : Les Coqs et les vautours (122 p. 10 €). Extraits.


« … C’est la Toussaint, c’est la Toussaint, c’est aujourd’hui la Fête des morts ; le vieux clocher coudrait encore dire à ces morts qu’on se souvent, et caresser les chrysanthèmes du cimetières, de l’aile douce des miserere, le vieux clocher est là, navré comme un muet qui voudrait parler, et pleure silencieusement sur son silence et pleure sur les toits crevés d’obus, béants comme des crânes en démence… »

Un combat pour l’espérance, devant tant d’absurdité, tant d’injustice, tant de mal…Mais, paradoxalement, l’Histoire la nourrit aussi, car cette tragédie offre une sublimation inouïe.

La guerre exacerbe tout : la souffrance, la médiocrité, la lâcheté, l’horreur, le désespoir ; mais aussi la sainteté, l’héroïsme, le dévouement. Elle a suscité un extraordinaire réveil religieux ; la foi a embrasé les tranchées. Et la charité aussi : je ne connais pas un autre lieu au monde où la fraternité ait été aussi intensément vécue ».

 

Dieu se cacherait-il en enfer ? « Il y a ici comme une réponse », confie, énigmatique et recueilli, Jean-Luc en désignant le grand Christ brisé. Nous avons rejoint le calvaire en fin de journée, puisque tout découle de la Croix et que tout doit y retourner. Le crucifix n’est plus noyé dans l’ombre, mais baigné par la lumière chaude du crépuscule. Comme si le soleil de l’autel du Père Doncoeur avait jailli de son tombeau. « L’absurdité des hommes a été jusqu’à briser la croix du Salut. Mais regardez : le Christ est descendu à notre hauteur, et même plus bas que nous. Là est notre espérance. » Chaque Semaine sainte, Jean-Luc soigne amoureusement la dépouille de métal (qui est presque de sa taille). « Je la gratte le Vendredi saint et la couvre de minium : c’est un Christ écorché. Puis je la repeins le Samedi saint, jour de l’attente : c’est un Christ d’espérance. » Il ajoute dans un éclat de rire : « Il n’est pas toujours sec le dimanche de Pâques ! » Si le montant de la croix brisée s’élance comme un cri nu vers un ciel vide, les pieds cloués du Crucifié touchent la terre comme s’il voulait s’y enfoncer. Cette guerre monstrueuse ne fut pas un trou noir devant lequel Dieu a fermé les yeux, mais un enfer dans lequel il est descendu pour y ouvrir les Cieux.

Le Paysan des poilus, par Jean-Luc Pamart, ed. des Equateurs, 175 p  17,50 €. Il même dans un subtil et palpitant chassé-croisé la chronique de sa vie d’agriculteur à celle de la Grande Guerre.
Soissonnais 14-18 (Association pour l’inventaire et la préservation des sites), Ferme de Confrécourt, 02290 Nouvron-Vingré. Tél : 03 23 74 25 90. Elle organise des visites des carrières chaque premier dimanche du mois, de mars à septembre. Recherche tous documents, photos et lettres de soldats ayant occupé Confrécourt. Et vient d’éditer un ouvrage encyclopédique consacré à « l’ensemble des traces dessinées, peintes, gravées ou sculptées, effectuées par les combattants de la Première Guerre mondiale » : Le Graffiti des tranchées, 289 p., 43 €
 
Au cimetière militaire d’Ambleny, entre Soissons et Compiègne, Jean-Luc Pamart, un prêtre et des bénévoles de l’association Sissonnais 14-18 honorent les restes d’un poilu – non identifié – avant son inhumation.

"Les carrières étaient pleines de l'écho assourdissant de l'artillerie, des plaintes des blessés, et parfois aussi, du murmure des prières."

 

Exposition Lens'14-18: la guerre souterraine, l'autel de Chapeaumont

La chapelle gravée de la carrière de Chapeaumont, un patrimoine protégé que le public du Lens'14-18 peut admirer ex-situ dans son exposition 2017

L’exposition temporaire "Vimy 1917, la guerre souterraine des Canadiens" de Lens’ 14-18 Centre d’Histoire Guerre et Paix à Souchez (8 avril 2017 - 12 novembre 2017) évoque un aspect peu connu du premier conflit mondial, la guerre souterraine qu’ont livrée les soldats, réfugiés dans les entrailles de la terre pour se prémunir de la puissance meurtrière de l’artillerie. En contrepoint, sont rappelées les productions des autres nationalités combattantes, dont celles des Français.

        Ainsi des graffitis tracés sur les parois de calcaire des  cavités souterraines de l’Artois et de la Picardie sont proposées aux visiteurs: souterrains de Neuville-Saint-Vaast, souterrains de Bouzincourt, "grottes" de Naours, carrière Wellington d'Arras, carrière Froidmont à Braye-en-Laonnois sous le chemin des Dames, carrière de Chapeaumont à Berny-Rivière, dans le Soissonnais.

Les reproductions des oeuvres pariétales originales sont constituées de prises de vue photographique et modélisations 3D réalisées avec les Archives Départementales du Pas-de-Calais et un comité scientifique rassemblant M. Le Maner, M. Faivre (ARHAM), M. Jacques et M. Prilaux (INRAP).

Figure donc l'autel de la carrière française de Chapeaumont, dans l'Aisne, un des rares sites souterrains de la Grande Guerre inscrit au titre des monuments historiques, que l'association Soissonnais 14-18 propose à la visite ponctuellement. Il est exposé dans le parcours comme étant un patrimoine souterrain fragile et à protéger et initie le visiteur à la préservation: "protéger le patrimoine souterrain de la Grande Guerre".

La légende  "La chapelle française de la carrière de Chapeaumont à Berny-Rivière (Aisne)" est  traduite en anglais ("Protect the underground heritage of the great war")et la mention "Un des rares sites souterrains de la Grande Guerre ayant fait l'objet d'une inscription au titre des Monuments Historiques" est ajoutée.

Grâce à l'étroite collaboration des services de communication de Lens' 14-18, nous pouvons presque vous plonger dans ce spot du parcours muséographique étendu sur 150m², photographies juin 2017 à l'appui.

 

French WWI artworks preserved in caves

By Christian Fraser BBC News, Confrecourt 8 July 2012

The caves were used as a hospital for troops during World War One and a shelter for rotating soldiers

Most years while ploughing the fields on his farm, Jean Luc Pamart will discover a body. A lost soldier.

Thousands of French troops disappeared while defending the line on the banks of the Aisne in northern France during World War 1, and almost 100 years on their remains are still being uncovered.

So too the explosives: hand grenades that resemble potatoes. Recently a local farmer disturbed a gas canister and was forced to abandon his tractor.

These days the soldiers remains can be identified - such are the advances in DNA - and many of the bodies recovered are often returned to their families.

But this battlefield, at Confrecourt, unlike the Somme to the north, is rarely visited.

Soldiers' altar

"The soldiers would be down here for three days at a time. So close to the misery and desolation of the battlefields above, and yet they sculpted such magnificent things”, Jean-Luc Pamart

In the trees that border the sweet smelling meadows, there is a tangible link with the French army that served here.

It is written and preserved in the darkness of medieval quarries.

The walls in the caves are illuminated by the most extraordinary carvings and murals left by the frontline troops who sheltered there: regimental insignia; a roll call of the soldiers who had died; an altar where troops could pray before returning to battle.

There is an artistry that belies the horror of the war that surrounded them.

On one wall, there is an image of Marianne, as dear to French hearts as the vines and grapes they had chiselled on another.

The quarry is owned and protected by Jean-Luc Pamart, who farms the land around them

"Every year I dig up the past, the shells, even the soldiers' bodies," he said. "But nowhere is the battlefield and suffering as visible as it is here in the quarry."

This carving of Marianne is one of many artistic relics inside the caves

Vandalism

There are 500 such caves, many of them with murals. And yet they are not a regular part of the battlefield tour (though perhaps they would be, were they granted the Unesco status that is being considered).

There is very little money from the French government.

It is Mr Pamart that defends the quarries under lock and key - and for very good reason.

"When I arrived here in 1980," he told me, "the caves were in a state of disarray. Many of the carvings had been hacked away."

"Collectors were helping themselves to the sculptures. I worked to have the caves listed as a national heritage site. I put the barriers up to protect them. And yet there are still cases of vandalism," Mr Pamart said.

On one wall is an inscription to Sergeant Guitard, of the 417th infantry regiment, who died while on guard at the entrance to the cave. He was gassed.

"The internet has made things much easier," Mr Pamart said.

"Sergeant Guitard's family had no idea their grandfather had been commemorated on the wall - they only knew he had been buried close by. When they discovered where he had died, they cried - and I cried with them."

"The soldiers would be down here for three days at a time. So close to the misery and desolation of the battlefields above, and yet they sculpted such magnificent things - and with such limited resources."

They are not grandiose works of art. They are works of the heart, of pure emotion, produced in the most tragic circumstances. Some of them were drawn in pencil but were never finished.

The caves were used initially as a hospital. But in the depths of winter, as the battlefield turned to mud, the walls were valuable shelter for the troops rotating from the front. By the altar they chiselled steps that lead through a tunnel to the trenches above.

The engravings include tributes to fallen soldiers

 

Looking through the narrow gap through which they squeezed, you can sense the fear, almost hear the guns that would shake the ground.

The caves were also used to stable horses - much valued - and they kept German prisoners here too. Their shoes can still be found on the floor.

So too the wooden batons that had pinned telegraph and electricity cables to the roof.

Leaving a trace

The temperature inside the cave is constant and the limestone walls remain dry, which is why the murals are in such extraordinary condition.

"A few of the carvings are signed, but that's very rare," Mr Pamart said.

"Most of them are anonymous. But you often see names of villages, names of children and of wives left behind. Every soldier wanted to leave a trace of themselves."

"To ensure that memory is preserved we are making duplicates of the carvings - we take photos, make plaster casts. We are currently funding a project to capture the sculptures electronically, so that they can be preserved and viewed in 3D."

Of the more precious insignia, is one that honours the bravery of the 298th Infantry Regiment, awarded the Legion D'Honneur in 1914.

But in November of that year, 19th company lost a position, in nearby Vingre, to the German advance. French commanders ordered that six of the soldiers who had retreated be chosen by lot and executed by their own men, as an example to the rest.

Within a few years of the war, those six soldiers were posthumously pardoned (though no officer was punished) and today they are honoured in Vingre, alongside the last letters they wrote to their wives and children.

These are the stories of the few that honour the many. And they are stories that should be preserved - and remembered - wherever they are found.

 

 

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